Mes débuts bien excitants sur une compagnie bien connue
C’était mon premier contrat de chanteur sur une compagnie bien connue et avec une très bonne réputation. J’avais rêvé d’être sur les plus grands et j’y étais enfin, sur le MS Zuiderdam, un magnifique navire tout neuf de la compagnie Holland America Cruises et mon premier gros navire ! C’était en 2003, au mois d’août. J’avais signé pour un an avec cette compagnie. Voyez-vous, depuis longtemps je caressais le rêve de monter sur scène, d’être entouré d’une équipe de production qui créerait un spectacle pour moi sur mesure ! J’étais mis en vedette et en plus avec de bons musiciens, quatre choristes-danseuses occupaient la scène avec moi. J’étais aux anges !
L’inattendu qui nous guette au détour
Au milieu du mois d’octobre de la même année, alors je présentais mon spectacle, une soudaine douleur à l’estomac s’empare de moi. Je pense tout de suite à l’empoisonnement alimentaire, mais : “the show must go on” comme on dit. Dans la loge, entre les deux représentations de la soirée, les choriste-danseuses s’inquiètent. Elles me regardent et constatent bien que j’ai le teint pâle et ne semble pas bien aller du tout. Je leur dis que c’est passager et qu’une fois la deuxième représentation terminée, j’irai me coucher puis demain tout ira mieux. Dès qu’elles quittent la pièce pour prendre leur pause bien méritée et je profite de leur absence pour m’étendre sur le sol pour essayer d’en absorber la fraîcheur.
Moins de 45 minutes s’écoulent puis nous entrons tous en scène pour le deuxième spectacle de la soirée. Probablement que l’adrénaline aide à atténuer ou même masquer la douleur puisque tout se déroule bien, sans accroc. Vers 23 h, le spectacle se termine et je me sauve vers ma cabine dans l’espoir de dormir pour récupérer.
Oh surprise… nuit blanche dans l’inconfort.
Je tourne et retourne, pas moyen de trouver le sommeil ! Alors vers 7 h du matin, je me dirige vers la clinique médicale. Comme c’est un navire de 2000 passagers, il y a trois infirmières en service pour tous à bord. L’une d’elles m’invite à passer à une salle d’examen où elle me tâte le bas du ventre. Je sens une douleur intense, pousse un gémissement et elle me donne son verdict sans appel : c’est une appendicite !
L’équipe médicale, bien entrainée et très compétente prévoit pour moi un débarquement médical le lendemain matin au port de Saint-Martin, une île dans la mer des Caraïbes. Qu’à cela ne tienne, à midi, l’infirmière qui passait voir mes progrès de temps en temps, me dit que les plans ont changé. Ils ont téléphoné à la garde côtière et ont prévu une évacuation médicale en fin de journée. À 17 h pile, l’hélicoptère de la garde côtière de Puerto Rico vole au-dessus du navire. Les passagers curieux se rassemblent pour voir ce qui se passe et une annonce sur le système d’annonce publique demande de dégager certaines zones du navire, pour éviter les dangers, en expliquant qu’il s’agit d’une évacuation médicale d’urgence.
Je m’envole ! Et en hélicoptère de la garde côtière, rien de moins !
Une infirmière me mène au pont 4, à la proue, tout en avant du navire. Ce n’est malheureusement pas pour y recréer la scène romantique du film Titanic, celle où Jack et Rose semblent voler, les cheveux dans le vent, sur la proue du navire. D’ailleurs, assis dans ma chaise roulante, je n’ai pas l’esprit à la romance. Les anti-douleurs font effet et j’ai plutôt l’envie de rire, de taquiner les autres, je suis ivre des effets de la morphine. On se rend au pont 4 parce que l’hélicoptère pourra peut-être s’y poser pour m’embarquer. Et non ! C’est un peu venteux et la manœuvre serait trop dangereuse alors on reprend l’ascenseur en direction du dernier étage, le pont 11. De là, quelques hommes forts me montent, à bout de bras, encore un étage sur la plus haute terrasse du navire.
L’hélicoptère vole au-dessus de nos têtes, tente de rester stable et de suivre la même vitesse que le Zuiderdam. Tout à coup, on aperçoit un petit panier attaché à une corde, qui descend vers nous… et oui, je suis le colis que l’on vient chercher dans cette structure métallique. Vous ne me connaissez pas assez encore pour savoir que je suis acrophobe, mais je peux vous dire que la médication (la morphine dans ce cas-ci) a aidé non seulement à contrôler la douleur, mais aussi ma peur des hauteurs. Hop, c’est parti pour l’ascension en me disant : si je tombe, au moins j’ai eu une belle vie bien à mon goût ! Un des hommes à bord de l’hélicoptère m’accueille dans la cabine de l’engin en tirant le panier à l’intérieur et s’assurant que tout est sécuritaire. Il est sympathique, me demande si je suis confortable et rassuré. J’ai confiance que ces hommes savent ce qu’ils font alors je lui fais signe que tout va bien. Il me demande si je veux sortir du panier pour être moins coincé. Je lui réponds que non, puisque d’être enlacé comme ça par le panier, me réconforte.
On entreprend le vol vers San Juan, Porto Rico, mais à notre arrivée le pilote constate un orage électrique et cela ne nous permet pas d’y atterrir. Comme tout problème à une solution dans l’industrie des croisières et que la garde côtière est aussi sur mon cas, nous changeons de direction pour nous rendre vers la base militaire d’Aguadilla, quelques 20 minutes de plus et l’ambulance m’y attend déjà.
Ce n’était pas les vacances de rêve sur une plage, mais j’ai eu la vie sauve !
L’infirmier qui m’accueille me demande à la blague c’est pour qui la civière ? Je réponds sous les effets de la médication que c’est pour moi, celui sur qui est branché la perfusion intraveineuse. L’ambulance nous mène rapidement vers l’hôpital de la ville, en début de soirée et quand arrive, une infirmière vient remplir les formulaires… en espagnol !!! On parle peu ou pas l’anglais par ici. Ce sera un défi puisque j’ai suivi des cours d’espagnol au CEGEP, mais je n’ai jamais vraiment eu la chance de le pratiquer. Ouf ! Enfin, le chirurgien vient me voir quelques minutes et parle couramment l’anglais. Il m’explique le déroulement de ma soirée. J’entre en salle d’opération et l’anesthésiologiste s’assure que je suis complètement endormi. Je l’espère du moins !
Avant minuit, la chirurgie est complétée. Je me retrouve en salle de réveil où je ressens les effets de l’anesthésie. C’est clairement inconfortable, j’ai l’impression d’avoir les jambes pliées et j’essaie de les déplier, je gigote!. L’infirmière me dit de ne pas bouger et réussit à me faire comprendre que je suis allongé sur le dos, les jambes bien droites ! Ah ok ! Je comprends maintenant ! hahaha !
Toujours en observation post-chirurgie, quand l’infirmière décide que je suis bien revenu à la conscience, on me conduit à ma chambre, je la partage avec un homme qui, à cette heure tardive, est déjà endormi. C’est le genre d’hôpital comme on ne les connaît pas au Canada, il n’y a pas de drap sur le lit, pas d’oreiller, pas de savon dans la salle de bain et je n’ai pas de pyjama ! Je dors donc en sous vêtement avec le drap de “plastique” celui duquel on m’a couvert après la chirurgie.
Au petit matin, la femme de mon co-chambreur est là et en voyant que je n’ai rien a gentiment décidé d’apporter tout ce dont je pouvais avoir besoin. Sa gentillesse n’a pas de limite, c’est un couple radieux et généreux. En après-midi, le chef de la garde côtière vient me voir et m’apporte aussi quelques trucs. J’ai passé une semaine à l’hôpital, on s’est très bien occupé de moi. En fait, j’ai passé l’Halloween à l’hôpital, pas de bonbons cette année-là par contre. Je vais m’en remettre !
Pour la suite des choses, tout se déroule rapidement en me donnant mon congé et je rentre directement à Montréal pour sept jours de convalescence supplémentaires avant que je retourne sur le navire deux semaines avant ma fête de 33 ans pour reprendre mon poste.
Remerciements et gratitude aident au bonheur
Quelques années après cet épisode de ma vie, quelqu’un m’a envoyé un lien YouTube qui s’intitulait : “French Canadian singer airlifted off a ship in the Caribbean” en français : « chanteur québécois évacué par hélicoptère sur la mer des Caraïbes”. La qualité des images filmées par les caméras de l’époque étant plutôt limitée, on y voyait un petit point noir s’élever vers le ciel pendant quelques secondes, ça m’a quand même rappelé à quel point je tiens à remercier l’équipe médicale du navire, le directeur de croisière et les services aux passagers. Tous ensembles, ils et elles ont géré tous les détails, faire les appels et les arrangements nécessaires pour l’évacuation, pour l’hôpital, etc. L’agent portuaire a aussi contribué avec les réservations, l’hôtel ainsi que pour vol de retour.
Je trouve important que vous sachiez que ces gens sont tous très compétents et amicaux. Ils méritent notre confiance. Je ne le souhaite pas, mais si jamais un épisode de santé vous accablait pendant une de vos croisières, vous serez entre bonnes mains !